Boston Musical Intelligencer, David Dominique, 22 décembre 2010

Pour Firmament-schlaflos (2010), le final du concert d’une durée de vingt et une minutes, Hans Tutschku, professeur de musique à Harvard et directeur du HUSEAC, a façonné un océan tourbillonnant, multi-stratifié et métallique, diffusé sur seize canaux. Alors que des vagues de son méticuleusement sculptées ondulaient dans toute la salle, l’auditeur devenait un navigateur sonore, explorant d’immenses paysages auditifs, oscillant entre une relative quiétude et une tempête sonore.

Peu à peu, des fragments de voix reconnaissables faisaient surface, laissant entrevoir une présence humaine à proximité. Tutschku, maître en manipulation sonore, alternait transformation progressive et minutieusement détaillée avec des contrastes soudains et extrêmes, qu’il exploitait avec brio. Dans la première partie, la fluidité de cet océan sonore était interrompue à deux reprises par une sorte d’averse de grêle, où de petites explosions éclataient comme du maïs soufflé, projetées depuis les seize canaux. Puis, à travers l’un de ses contrastes abrupts et inattendus, l’auditeur était soudainement plongé dans des profondeurs silencieuses, où seules des voix féminines spectrales résonnaient, fredonnant des fragments mélodiques tremblants et murmurant dans l’ombre.

Pour cet auditeur, l’effet glacial évoquait avec intensité des spectres translucides, errant et dérivant, comme s’ils appelaient—peut-être en guise d’invitation, peut-être en guise d’avertissement—le long d’un ruisseau sombre d’un monde souterrain. Hypnotisé dans ces profondeurs, on en oublie aisément que l’œuvre repose sur une prouesse technologique de haut vol en électroacoustique. Le véritable tour de force de Firmament-schlaflos ne réside pas dans sa technologie, mais dans sa substance et sa musicalité, qui captivent avant tout.

Dans certains contextes électroacoustiques, des défauts acoustiques, des limites technologiques ou des choix compositionnels peuvent entraver l’immersion de l’auditeur. Or, la force du travail de Tutschku pour le système HYDRA réside dans cette capacité à immerger totalement l’auditeur, à le perdre dans un récit musical saisissant, ponctué d’arrivées spectaculaires. Ces transitions oscillent entre une fragilité épurée et des tourbillons sonores organiques, où l’on se laisse happer sans résistance.

Orchestre de haut-parleurs BEAST lors de la création

forme

Patch Max/MSP pour la spatialisation sonore avec des modèles physiques