nighttime songs from afar

Installation sonore et lumineuse
Année: 2017
Durée: 40:00 min
Studio: Harvard University Studios for Electroacoustic Composition
Lieu: The James Turrell Skyspace, Rice University Houston

L’installation sonore et lumineuse nighttime songs from afar, créée pour le James Turrell Skyscape à l’Université Rice, invite l’auditeur à un voyage imaginaire. Inspirée par des chants populaires, des prières et des berceuses issus de diverses cultures, l’œuvre tisse de nouveaux contrepoints qui résonnent avec ces traditions. Certaines de ces mélodies ont été enregistrées avec la soprano Jennifer Ashe, basée à Boston, tandis que d’autres sont générées par des voix modélisées par ordinateur.
L’interaction étroite entre la musique et les séquences lumineuses crée un rituel temporel, traversant différentes tensions avant d’atteindre un état de relâchement.

 

RITUELS D'ÉCOUTE : HANS TUTSCHKU AU MOODY CENTER

Joseph Wozny – 13 mars 2018 – Houston Music

Hans Tutschku présente en avant-première nighttime songs from afar, une installation sonore et lumineuse conçue spécialement pour Twilight Epiphany, l’œuvre de James Turrell.
L’installation sera présentée le 7 avril à Twilight Epiphany, sur le campus de l’Université Rice.

Dans le livret d’un prochain CD publié par le GRM (Groupe de Recherches Musicales) à Paris, le compositeur Hans Tutschku, professeur de musique à l’Université Harvard, définit le rituel d’écoute ainsi :
"Écouter […] sans rien faire d’autre – simplement plonger dans l’univers sonore et laisser toutes les images et imaginaires intérieurs se déployer."

Initialement prévue, puis reportée en raison de l’ouragan Harvey, la venue de Tutschku à l’Université Rice – organisée par REMLABS et le Moody Center for the Arts – est enfin reprogrammée pour début avril.

Tutschku est un compositeur dont l’œuvre couvre un large éventail, allant de la musique instrumentale et électroacoustique aux installations et à l’improvisation. Pourtant, ces distinctions restent floues et perméables : un son acoustique enregistré devient électronique, puis redeviendra acoustique une fois diffusé par des haut-parleurs. Un son sinusoïdal n’est pas moins une fréquence qu’une note jouée au piano. Comme de nombreux compositeurs contemporains, Tutschku accorde une attention particulière à l’écoute comme rituel. Ses œuvres électroacoustiques sont souvent diffusées sur plusieurs haut-parleurs – parfois jusqu’à 32 – afin d’immerger l’auditeur dans un espace sonore multidimensionnel où se déroule cette expérience d’écoute.

Le 5 avril, il interprétera des œuvres électroacoustiques pour piano et électronique au Lois Chiles Studio Theater du Moody Center, notamment la première de virtual bodies. Le programme inclura également sa plus ancienne œuvre pour piano et électronique, Bleierne Klavier, composée vingt ans plus tôt. Toutes les pièces de ce concert sont conçues en multicanal.

Le 7 avril, Tutschku présentera nighttime songs from afar, une installation sonore et lumineuse imaginée spécialement pour Twilight Epiphany. Ce rituel temporel de 40 minutes est construit à partir de chants traditionnels, de prières et de berceuses, enregistrés ou générés par ordinateur. L’installation sera visible jusqu’au 23 avril, en lien avec la séquence lumineuse quotidienne au coucher du soleil.

Sur son site web, Tutschku propose une vaste collection de textes et de conférences qui permettent d’approfondir ses idées. Il anime également des ateliers ouverts aux musiciens et aux non-musiciens.

Interview avec Hans Tutschku

A+C TX : Comment définissez-vous le rituel d’écoute ?
Hans Tutschku : À une époque où tout est minuté à la seconde près et où le multitâche est devenu la norme, je cherche à créer des espaces – mentaux et physiques – où un autre flux temporel nous invite à rêver et à découvrir. Comme pour tout rituel à travers les cultures, l’écoute peut être vécue avec dévotion et engagement.

Comment avez-vous découvert les sons enregistrés ?
J’ai commencé très tôt le piano, mes deux parents étant musiciens. À l’adolescence, j’ai découvert la musique électronique et j’ai expérimenté avec des synthétiseurs analogiques dès mes 15 ans. À cette époque, travailler directement avec les sons m’attirait bien plus que l’écriture musicale traditionnelle.

Vos premières pièces instrumentales sont apparues après vos œuvres électroacoustiques. Y a-t-il un lien entre les deux approches ?
En réalité, elles ont toujours coexisté. J’ai commencé par improviser et composer des œuvres combinant instruments et électronique, mais sans notation traditionnelle. La communication directe avec les musiciens était au cœur du processus. Ce n’est que lorsque j’ai commencé à écrire pour d’autres interprètes que le besoin de partitions est devenu évident.

Votre installation à Rice évoque la composition de nouveaux contrepoints. Faites-vous une distinction entre installation, composition et multimédia ?
Il existe certainement une approche différente pour un concert et pour une œuvre in situ. Nighttime songs from afar superpose des voix issues de diverses cultures et styles de chant. Ce rituel sonore me rappelle l’idée d’assister à une cérémonie d’un peuple inconnu : sans explication préalable, nous sommes témoins de son intensité et de son engagement. J’imagine alors ma propre interprétation, en mêlant mes expériences et mes attentes à ce que j’entends.

L’espace du Skyspace a-t-il influencé votre processus de création ?
En observant plusieurs fois la séquence lumineuse de Turrell, j’ai été fasciné par la manière dont les couleurs projetées modifient la perception du ciel. Avec des moyens simples, il transforme un phénomène connu en une expérience sensorielle inédite. Cette approche correspond à ma vision artistique : un son familier peut devenir le point de départ d’une découverte inattendue.

Quels sont vos projets futurs ?
Depuis mon enfance, je suis passionné par d’autres formes d’art – peinture, sculpture, danse, photographie, céramique. À différents moments, je les ai explorées, non pas pour devenir expert dans chacune, mais pour développer d’autres sensibilités. Dans ma musique, le geste est essentiel : qu’il soit instrumental ou électronique, il doit toujours être porteur d’une énergie perceptible.

Quelle est votre approche de l’enseignement ?
C’est un sujet immense ! Mais oui, enseigner est fondamental pour moi. Ce n’est pas juste un métier, c’est un échange créatif qui me passionne. J’ai récemment terminé mon cinquième stage d’été et je continuerai à enseigner à l’international, pas seulement aux musiciens.

Un dernier mot ?
Le concert et l’installation offrent des expériences très différentes, couvrant près de 20 ans de création. Je jouerai ma plus ancienne et ma plus récente œuvre pour piano et électronique, Das Bleierne Klavier et virtual bodies. Ces pièces explorent le lien entre le geste et l’électronique, étendent la palette sonore du piano et brouillent la frontière entre action et réaction.
Chacune raconte une histoire sonore dans la tradition du cinéma pour l’oreille. L’auditeur est invité à composer son propre voyage, au-delà des définitions et des limites instrumentales.